Histoire de la Nouvelle France – Chapitre 5

Chapitre 5 : Fondation de Québec

Cinq ans se sont écoulés. Les zones d’habitation se construisent à Québec en même temps la traite des fourrures se poursuit à Tadoussac. Les Algonquins y viennent en grand nombres. Parmi ces Algonquins se trouve le fils d’un chef Amérindien du Haut Canada, qui porte le nom de Iroquet. Pont-Gravé et Champlain ont un entretien avec lui. Ils lui expriment leur désir de les assister contre leurs ennemis, avec lesquels ils avaient la guerre, avec beaucoup de cruautés, que les Iroquois avaient exercées contre leur nation, sous prétexte d’amitié. Cette décision rentre dans le chapitre des relations avec les sauvages, c’est Pont-Gravé qui en est responsable. Il n’y a pas de récit qui renseigne sur les péripéties de cette guerre, de 1603 à 1608, entre les Algonquins et les Iroquois. Lescarbot aborde le problème sous un autre aspect.
Il raconte : « Les Algonquins nous reçurent chez eux afin que nous les aidassions dans leurs guerres contre un peuple Sauvage appelé Iroquois, dont ils étaient les ennemis depuis fort longtemps » C’est à ce prix que Champlain obtiendrait l’aide des Algonquins pour faire ses découvertes. « Il n’y a autre moyen de pénétrer dans ces terres que par armes et promesses…. »
Voilà les deux motifs donnés par Lescarbot. Il y à donc promesse d’assistance militaire aux Algonquins contre les Iroquois, selon le pacte signé en 1603, pour acquérir en retour le droit de fonder des colonies dans tout le pays, et l’appui de ces Algonquins dans les voyages de découvertes.
Champlain est un fondateur il se révèle également un explorateur endurci, surtout pendant la première période de son séjour au Canada. Il ne concevait pas de vivre sur la côte sans connaître l’arrière pays.

Par la suite, le conflit ne s’est apaisé pour autant. Les Algonquins de Trois-Rivières jusqu’à Tadoussac sont rassemblés à Québec vers le milieu du mois de septembre pour la célèbre pêche aux anguilles. Malheureusement ils ne peuvent la pratiquer en paix. Un soir de 1608, un affolement éclate brusquement. Les Iroquois, pense-t-on, sont sur le point d’attaquer. Les Français laissent entrer dans le fort femmes et enfants. Quelques-uns se mêlent aux Amérindiens qui doivent demeurer au pied des palissades, faute d’espace. Les Iroquois ne sont pas là. Ils sont très craintifs, précise Champlain, et appréhendent considérablement leurs ennemis, et ne dorment pratiquement pas en repos en quelque lieu qu’ils soient » Cette nervosité provient du faite qu’ils ne font la guerre que par surprises, de nuit ténébreuse ou à la lune, par embuscade ou finesse.

Ont est encore à la guerre de l’âge de pierre : la forêt entoure le camp, l’ennemi s’y glisse avec habilité et il tombe la massue à la main, sur la tribu qui n’a pas soupçonné son approche et qui est encore plongée dans le sommeil. Voilà l’art militaire Amérindien pour attaquer. Les batailles rangées, soit dans le bois soit sur l’eau, sont pratiquement inconnues. L’ingéniosité est de produire une attaque par surprise. Voilà pourquoi toutes les tribus tremblent à la moindre agitation. Champlain réprimande les Algonquins : pourquoi ne pas monter une garde pendant que la bande dort ? Pourquoi ne pas avoir ses armes prêtes ? Les Algonquins sourient de la prudence de Champlain.
Les scènes que décrivent Champlain et les missionnaires sont des Algonquins qui apparaissent comme une nation jetée soudainement dans l’errance et qui est loin d’être habitué. Ils n’ont pas de prévoyance. Ils consomment vite et gâchent tout aussi vite leurs provisions d’anguilles fumées. Si l’hiver apporte trop tard ses neiges épaisses, qui permettent de chasser le chevreuil et l’orignal, d’effrayantes famines se déclarent et peuvent durer pendant des mois. Le cannibalisme frappe. Une bande affamée revient ainsi à Québec durant l’hiver 1608-1609. Elle dévore les détritus les plus repoussant.
Dans ces temps, Champlain a le loisir d’observer les alliés que la France s’est donnée en Amérique. Au printemps de 1609, Champlain se rend à Tadoussac. Le temps est venu de mettre à exécution ses promesses de soutien. Il organise avec les Montagnais une expédition de guerre contre les Iroquois. De retour de Québec, il ordonne d’armer une chaloupe et de la garnir de vivres. Le 18 juin 1609, il remonte le Saint-Laurent. À quelques lieux de Québec, il rencontre deux à trois cents Sauvages « cabanés » près de l’îlot Saint-Éloi. Il se rend compte, que l’invitation que les Français avaient faite en 1608 au fils du chef Iroquet a porté ces fruits : ce fils l’a répandue parmi les tribus et maintenant les guerriers accourent : Ayant toujours désiré la vengeance, ils avaient demandé à tous les Sauvages que je voyais sur le bord de la rivière, de venir à nous, pour faire alliance avec nous. Champlain ne rompt pas devant les contrecoups de l’engagement de l’été précédent. « Je n’avais autre intention que d’aller faire la guerre, ne portant avec nous que des armes, et non des marchandises pour traiter, comme nous leur avons laissé à entendre et que mon désir n’était que d’accomplir ce que je leur avais promis… »
Des conseils ont lieu, des discours se formulent, Champlain apprend que le détachement qu’il vient de rencontrer se compose d’Amérindiens Iroquets et Hurons. La plupart des Amérindiens voyaient des Européens pour la première fois. Ils veulent entendre le bruit des mousqueteries, visitez Québec qui leur semblera une merveille d’ingéniosité. Les festins se succèdent. Pont-Gravé arrive à Tadoussac avec deux barques. Puis le départ pour l’expédition de guerre a lieu dans un engouement général. Champlain conduira le parti de guerre pour attirer les fourrures dans un esprit commercial et de fonder des colonies.

Mais le conflit franco-iroquois, dès lors, est inéluctable, car il est dans la nature des choses. Plus rien ne pourra l’empêcher. Une colonie se fonde à Québec pour le troc des pelleteries. Elle ne pourra se développer et persister que s’il arrive beaucoup de fourrures. Que si les tribus du Saint-Laurent, de l’Outaouais, des Grands Lacs peuvent arriver sans problème aux postes de traite. Si une peuplade Amérindienne bloque la navigation, il faut à tout prix la repousser chez elle. De plus, la navigation est facile à bloquer, les postes de traite de Tadoussac et Québec sont très éloignés des endroits d’où partent les fourrures. Toute tribu ennemie peut facilement se mettre à l’affût dans le bois, sur les bords du fleuve. Par contre, Albany est proche de l’Iroquoisie d’où elle reçoit ses fourrures. Leur courant passe au cœur du pays des Iroquois et ne peut être facilement arrêté par des Amérindiens venant de loin. Aussi, les Hollandais, grands commerçants, pourront facilement rester neutres dans le conflit entre les Algonquins et les Iroquois. Par contre les Français seront obligés d’intervenir vis à vis des Algonquins qui sont les pourvoyeurs de pelleteries des Français. Ce commerce important et qui s’élargit de jour en jour, peut venir à disparaître. Une collaboration étroite va s’installer entre acheteurs et vendeurs de fourrures avec des intérêts communs.
Le conflit éclate dès la fondation de la colonie française. Les Iroquois sont très agressifs et dirigent sans arrêt leurs partis vers le fleuve Saint-Laurent. En 1603, un gros parti Iroquois était arrivé jusqu’à l’embouchure du Richelieu. C’est là que l’armée algonquine inflige une sévère défaite et tue plus d’une centaine de guerriers. Champlain et ses alliés en battront un second, en route vers la Nouvelle France, au lac Champlain en 1609. En 1610, ils anéantiront un troisième sur les rives du Saint-Laurent au-dessus de l’embouchure du Richelieu. Les Français et leurs alliés les Algonquins ne vont jamais exciter les Iroquois chez eux. Ils repoussent plutôt les attaques venues du dehors et essayent d’y mettre fin. Comme les Iroquois tardent à recevoir des Marchandises d’Europe ainsi que d’avoir proche de chez eux des postes de traite, alors que les Algonquins profitent de ces commodités, il est certain que les Iroquois dirigent des incursions en Nouvelle France, soit pour s’emparer des marchandises, soit pour empêcher les Algonquins de profiter de ces marchandises.

L’expédition quitte donc Québec, Champlain est capitaine d’une barque, Pont-Gravé d’une autre. Celle-ci rebrousse chemin quelques jours par-après. Champlain s’arrête deux jours à l’entrée de la rivière Richelieu. Par la suite, il arrive au bassin de Chambly, et explore le portage du fait qu’il ne peut remonter les rapides. La plupart hésitent de se hasarder plus loin. Champlain navigue maintenant avec deux compagnons français dans le canot en écorce. Il vit à l’Indienne. Il reste une soixantaine de guerriers et ce groupe se divise en trois bandes avec chacun une responsabilité. L’arrière groupe chasse pour nourrir les hommes. Le deuxième groupe est celui avec les armes quant au premier groupe cherche à repérer les traces de l’ennemi. Par la suite, ils n’avanceront plus que la nuit. Le jour, ils dormiront et pétuneront (fumeront)
Des sorciers accompagnent le groupe et chaque soir l’un d’eux dresse une cabane et tout le peuple se rassemble autour de la cabane assis. Ils se contorsionnent et prophétisent. Le lendemain, le groupe poursuit sa route.
À suivre dans le prochain chapitre…

Bibliographie : Iroquoisie – Léo-Paul Desrosiers