Les Attikamekws

NITASKINAN qui signifie « Notre terre » dans la langue ATIKAMEKW
ASKI veut dire « terre » et le préfix « NIT » signifie « notre »
Le suffixe « NAN » indique le collectif.

La nation ATIKAMEKW compte trois communautés situées dans les régions de la Mauricie, Bois-Francs et de Lanaudière. Pour s’y rendre, il faut emprunter des chemins forestiers. Il faut beaucoup de temps pour aller d’un endroit à l’autre. Ici on compte en heures de trajet, pas en kilomètres. Au printemps, pendant plusieurs semaines, il est très souvent impossible de circuler. Le dégel rend les pistes impraticables.

Ces trois communautés sont :

MANAWAN qui signifie : Lieu où l’on ramasse des oeufs…
Superficie de 771,36 hectares – Population de 1650 habitants

OPITCIWAN qui signifie : Courant du détroit, du rétréci…
Superficie de 926,80 hectares – Population de 1750 habitants

WEMOTACI qui signifie : La montagne d’où l’on observe..
Superficie de 2980 hectares – Population de 1100 habitants

Avec plus 4500 membres la nation Atikamek est la cinquième nation autochtone du Québec. Seulement 14% vivent en dehors de ces trois communautés. Il y a de plus en plus de jeunes, 60% de la population a moins de 25 ans. La moyenne des familles comptent trois enfants.

C’est avec les Amérindiens de la communauté de OPITCIWAN que j’ai vécu pendant trois ans, de 1991 à 1994. Je leur rends hommage à travers ces lignes.

Un lexique est au bas de la page pour la traduction des mots de langue ATIKAMEKW

Les aînés racontent…

Les changements les plus importants ont été, en premier l’école, qui avait amené les enfants à quitter leurs familles et leur vie dans le . Puis le télépboishone et l’électricité ont changés les coutumes. La télévision est entrée dans leur vie. Elle a profondément changé les habitudes des familles entières. Les jeunes ont vite commencé à être influencés par ce qu’il voyaient à la télévision. Il apprenait peut-être beaucoup de chose, mais voyaient aussi de la violence. Les routes avec les centres urbains ont aussi beaucoup changé leur mode de vie.

Quelques cérémonies traditionnelles…

Certaines cérémonies traditionnelles reviennent. La cérémonie du nouveau né. On accueille un nouveau né dans la communauté. Cette cérémonie rappelle aux participants la responsabilité communautaire à l’égard des enfants. La mère présente l’enfant à tous les aînés qui forment un cercle. On offre des objets symboliques à l’enfant. On récite des prières et on chante. Le parrain et la marraine acceptent d’accompagner l’enfant tout sa vie.

La cérémonie des premiers pas. Elle marque une autre étape de la vie de l’enfant. Elle se déroule très tôt le matin, dans une tente dont la porte est orientée vers l’Est pour faire entrer la lumière. L’enfant, environ un an, est accompagné de son parrain et sa marraine, et marche sur des branches de sapins. Au petit garçon on offre une gibecière et un gibier, un petit arbre décoré de rubans et une hache. À cette occasion, il tire son premier coup de fusil. À la petite fille, on offre un TIKINAKAN qui symbolise le fait qu’elle pourra donner la vie. Toutes les personnes qui assistent à la cérémonie s’engagent à l’aider tout au long de sa vie.

Cette cérémonie a plusieurs significations. Elle transmet d’abord les valeurs de respect du territoire et des aînés. Elle confirme le rôle essentiel de l’homme et de la femme De plus, elle veut rappeler les valeurs de force, de bravoure, d’entraide et d’esprit communautaire. Elle a pour but de transmettre à chaque personne le sentiment qu’elle est responsable de sa famille et aussi de toutes les membres de la communauté.

Par la suite, on reconduit l’enfant à l’intérieur de la tente où les aînés partagent des biscuits ou des petits pains de Banik avec lui. Ci-dessus, Charles Coocoo, sage, poète et philosophe pense que les Atikamekw pourront garder leur identité s’ils retrouvent leur spiritualité amérindienne.

Lettre aux aînés

Nous, vos petits-enfants, sommes très sensibles à la situation fragile de notre culture et de nos traditions ainsi qu’à notre langue, qui semble s’éteindre à petit feu.
Si nous ne faisons rien, il risque d’être trop tard et nous ne voulons pas voir disparaître ce qui fait la fierté de notre peuple depuis des siècles. C’est pour cela que nous vous demandons votre aide afin que vous nous montriez les différentes choses de notre culture. Comme faire des TIKINAKAN, de la pâte de bleuets, le fumage, des poissons, les richesses de notre langue, les différents rituels et les cérémonies traditionnelles.

Nous sommes prêts à nous mobiliser dès aujourd’hui afin que la communauté tout entière retrouve le chemin de ses racines en accord avec notre entourage.

Lettre écrite par les jeunes de l’école de WEMOTACI le 23 avril 1993.

La langue, l’école… « KISKINOHAMATOKAMOK » Ce mot de 18 lettres veut tout simplement dire « l’école, le lieu où l’on apprend » !

Dans la vie quotidienne, la majorité des gens parlent la langue ATIKAMEKW. Le français, c’est leur seconde langue. Écrire et lire en ATIKAMEKW est nouveau dans les écoles. Selon les communautés il y a des différences. Il faut donc uniformiser la langue. Pour cela les aînés sont consultés en permanence. Ils décident quels seront les mots d’usage courant et comment il faut les prononcer et les écrire.

Dès le primaire un programme bilingue…

Depuis 1992, à la maternelle et au premier cycle du primaire, tous les cours sont en ATIKAMEKW. Les élèves de la première à la troisième année ont uniquement trois heures par semaines de français oral, langue second. En quatrième année ils commencent à lire et à écrire en français.

Progressivement, leurs cours se déroulent en français, mais ils continuent à recevoir des cours de langue ATIKAMEKW orale et écrite. Au primaire les enseignants du premier cycle sont des ATIKAMEKW, tandis que ceux du deuxième cycle sont surtout des ALLOCHTONES.

Le secondaire…

Les élèves font une année de pré-secondaire. Ensuite, ils peuvent suivre les cours réguliers. Après trois années, ils ont plus de chance de réussir les cours de troisième, quatrième et cinquième secondaire.
Les élèves, en majorités, peuvent faire toute leur scolarité jusqu’à la cinquième secondaire dans les communautés. C’est un avantage parce qu’ils peuvent rester dans leur famille. Il y a encore plusieurs projets d’amélioration de la qualité des équipements sportifs et création de bibliothèques.

Pour aider les jeunes à réussir…

Une des priorités de la nation ATIKAMEKW c’est de former des jeunes heureux et compétents. Il faut donc les encourager à poursuivre leurs études, pour qu’ils puissent obtenir leur diplôme du secondaire. L’école combat le décrochage scolaire ! À l’école, des adultes aident les élèves à faire leurs devoirs. Des parents viennent animer des ateliers sur le mode de vie traditionnel que les jeunes aiment beaucoup.

En dehors de l’école, les communautés organisent des Camps de jeunes. Ils vont souvent vivre une dizaine de jours dans le bois avec des aînés. Ces activités donnent de très bons résultats.

À MANAWAN les élèves passent une journée dans les camps de sucres. Ils apprennent à entailler les érables à la manière traditionnelle. Ils aident à récolter l’eau d’érable.

Puis ils alimentent le feu qui fait bouillir l’eau d’érable. Ils étendent la tire sur la neige et l’enroulent sur la palette pour la déguster. Se sucrer le bec…

Les élus…

Dans chaque communauté, il y a un conseil de bande élu pour quatre ans. Le conseil de bande prend les décisions importantes. Il est appuyé dans son travail par plusieurs comités. Depuis 1982, les conseils de bande des trois communautés sont représentés au Conseil de la Nation ATIKAMEKW (CNA)
Cette organisation facilite les contacts entre les trois communautés et elle permet de mettre en commun plusieurs ressources humaines et financières. Les femmes ont un très grand rôle dans la vie politique et certaine siègent dans ces comités. Le Conseil de la Nation ATIKAMEKW s’occupe des négociations globales avec les gouvernements du Québec et du Canada. Ces négociations ont trait au territoire, à l’autonomie gouvernementale, aux budgets, à la santé, à l’éducation, aux services sociaux et au développement économique.

Les services…

Dans les trois villages, on y trouve tous les services utilitaires. Dépanneur et magasins généraux qui vendent de la nourriture, des magazines et produits utilitaires. Mais tout cela n’empêche pas les familles de faire une fois par mois leurs achats en dehors de la communauté mais dans les villes avoisinantes. Surtout pour les meubles, vêtements outils. Dans chaque village, on trouve un poste à essence et un garage mécanique. Les Amérindiens en général, sont habiles pour réparer la mécanique. Il y a également un poste de police dans chaque communauté.

La poste…

À MANAWAN, il y a un comptoir postal et le courrier est livré chaque jour.
À WEMOTACI, le courrier arrivent trois fois par semaine en train.
À OPITCIWAN, le courrier arrive en hydravion deux fois par semaine.
Pour communiquer il y a aussi, le téléphone, le télécopieur et maintenant Internet.

Chaque communauté a une radio locale communautaire. Elle diffuse de la musique, des messages personnels et les annonces des réunions du Conseil et des Assemblées publiques. Cette radio communautaire est un très bon moyen de rejoindre également ceux et celles qui sont dans le bois où les camps équipés de radio portatives.

Les soins…

Les services de santé sont bien organisés dans chaque village. Il y a un dispensaire dans les trois communautés.
La nuit il y a un service de garde pour les urgences. Les dispensaires organisent des visites à domicile pour les personnes âgées. Des pédiatres, des dentistes, des optométristes viennent régulièrement rencontrer les patients. Ces jours là, le dispensaire du village est bondé !

La différence du handicape n’existe pas chez les Amérindiens. L’entraide, les aînés, jouent un très grand rôle pour la famille et le handicapé.

Cette jeune handicapée fait ses exercices.

Maison des jeunes…

Il y a une maison des jeunes dans chaque communauté. Il y a un Conseil d’Administration, tenu par des jeunes et des adultes, pour chaque maison. Ainsi nous apprenons à gérer et à prendre décider de nos affaires ensemble. Depuis l’ouverture de ces maisons de jeunes, le vandalisme dans les communautés a baissé. Les problèmes de drogues et d’alcool diminuent progressivement. Ces maisons de jeunes apportent aussi une meilleure collaboration entre les familles, l’école et les services sociaux.

Comme disent les jeunes : « Vive les soirées disco, vive le jeu de billard et de ping-pong ! »

Le deuil

Quand une personne meurt, toute la communauté est en deuil. Le corps de la personne est exposé dans sa maison pendant trois jours et trois nuits. Les membres de sa famille portent un bracelet noir en tissu jusqu’à qu’il s’use et se détache. La famille chante des chants religieux. À chaque repas des trois jours de veille, les restes de nourriture sont brûlés par respect pour l’esprit du défunt. Lors du dernier repas communautaire, avant l’enterrement, la famille prépare une assiette pour le défunt. On distribue ses biens seulement six mois ou même plus tard. Tous ces gestes sont destinés à aider la personne décédée à quitter paisiblement la Terre.

Noël et le jour de l’an !

Dans les communautés ont respecte certaines traditions. À la messe de minuit, il y a toujours une crèche vivante. Au jour de l’an, à minuit, les aînés de chaque famille tirent un coup de fusil dans les airs pour saluer le début de l’année. Certains se rendent chez un chef pour lui demander sa bénédiction. C’est aussi des fêtes des danses dans la salle communautaire. Les jeunes et les aînés fêtent ensemble dans de grands éclats de rire.

Partir dans le bois…

Chaque grande famille ATIKAMEKW a son territoire traditionnel de chasse. Ces territoires sont divisées en lots et distribuées aux familles.
Toutes les fins de semaine les familles préparent le MOKOCAN. C’est tout le monde qui prépare ce grand festin, ce grand repas. Chacun a sa tâche à faire. Les uns vont à la pêche pour rapporter le poisson et le fumer. Les autres vont vérifier les pièges et rapportent des castors. Kokom l’écorche, l’éviscère et l’attache pour le faire le rôtir au-dessus du feu de bois. D’autres reviennent avec une outarde et des perdrix. Tout le monde participe aux préparatifs du festin. On prépare encore la tête d’orignal braisé et la langue. Kokom prépare aussi les beignets aux bleuets et aux raisins. La Banik n’est pas oubliée. Quand il s’agit de passer à table les aînés sont servis en premier.
Une autre marque de respect : prendre une bouchée de chaque plat qui est déposée sur un morceau d’écorce de bouleau. Puis ce morceau est brûlé en signe de remerciement à la Nature qui donne cette nourriture.

La chasse est pratiquée pratiquement par tous les hommes et plusieurs femmes sont également des expertes. C’est un moyen un de subsistance. On chasse surtout l’orignal et le petit gibier comme la perdrix et l’outarde au printemps.

La trappe est liée à la vente des peaux et on a la pratique à la fin de l’automne et en hiver parce que le gibier est plus gras et que les peaux sont de meilleure qualité. Les animaux le plus trappés sont la martre, le castor, le pékan, le rat musqué et le vison. Parfois la loutre. Les ATIKAMEKW mange la viande de tous ces animaux. Il y a aussi la pêche qui est à la fois un passe temps et un moyen de subsistance. Comme le doré, dont les filets sont excellents. Le touladi ou truite grise se pêche en octobre. En hiver les Atikamek pratiquent aussi la pêche sous la glace.

MASKWA

L’ours noir. Il n’est pas chassé régulièrement mais cela reste quand même une chasse qu’ils pratiquent tous les ans. La viande d’un ours de 2 à 3 ans est bien meilleure que celle d’un ours trop adulte. Elle est surtout savoureuse à la saison des bleuets, quand l’ours c’est régalé de MINIC. Pour cela septembre est le meilleur temps. MASKWA dort l’hiver au complet dans son terrier…
La viande d’ours est apprêtée en ragoût, bouillie, rôtie ou fumée. La viande des pattes est l’un des mets favoris des aînés. La graisse d’ours est utilisée pour faire cuire plusieurs aliments. Elle est succulente tartinée avec de la pâte de bleuets sur des morceaux de Banik, le tout saupoudré de cassonade. Un vrai régal !!

La foresterie !

L’industrie forestière est une importante source de revenus saisonnier. Débroussaillage, dégager les plantations pour permettre une meilleure pousse, et replantation des jeunes arbres. Certains jeunes sont formés pour devenir un jour contremaître.

César Néwashish, que j’ai connu personnellement était un grand artiste de renommée, expert en construction de canots en écorce de bouleau. Il a transmis son art à ses fils

L’écorce de bouleau sert à fabriquer plusieurs objets artisanaux : canots, paniers, cornet d’appel pour la chasse à l’orignal. Du mois de septembre au mois de mai, c’est le meilleur temps pour prélever AKWANE WIKWAS. L’écorce est saturée de sève et on peut la gratter pour faire apparaître des silhouettes d’animaux, de fleurs, d’oiseaux. Le prélèvement est important pour ne pas blesser et faire mourir l’arbre. L’épaisseur ne doit dépasser 0,2 à 1cm. Il faut l’entreposer dans un endroit frais.

La peau d’orignal…

Plusieurs produits artisanaux sont fabriqués en peau d’orignal. Mocassin, mitaines, vestes, chapeaux et gants. Le tannage d’une peau nécessite environ soixante heures de travail.
Tout d’abord on enlève les poils et l’on gratte bien pour enlever le gras. Cela ce fait à la température proche de zéro.
Ensuite on trempe la peau dans de l’eau pendant plusieurs heures. Elle est étirée, battue, grattée, retrempée, tendue, tamponnée, huilée, séchée, trempée, tordue, martelée, graissée avec de la graisse d’outarde, rebattue etc…
La brute est blanche. Pour obtenir la couleur brune ou dorée il faut la fumée des deux côtés pendant plusieurs heures. Il s’écoule un bon mois entre le premier grattage et le boucanage. Une grande technique !!


LEXIQUE

AKWANE WIKWAS : Écorce de bouleau

ALLOOCHTONE : Personne d’une race ou langue autre que celle des premières nations

ATIKAMEKW SIPI : Rivière Mauricie en langue Atikamekw

BANIK : Pain autochtone

EKONI PITAMA : C’est tout pour l’instant

INNU NIKAMU : Festival de musique à Uashat-Maliotenam

KA KICIATISITCIK : Les aînés

KOKOM : Grand-mère

KWEI, TAN E ICI MATISIIN ? Bonjour, comment ça va ?

KWEI : Bonjour

MASKWA : Ours noir

MATCACI : Au revoir

MATOTASIWATEKW : Cérémonie traditionnelle de sudation

MINIC : Bleuet (grosse myrtille)

NIMOCOM : Grand-père

MOKOCAN : Festin, repas de fête

NIN : C’est moi

SASIKAN : Graisse d’ours

TIKINAKAN : Porte bébé

WAPOC : Lièvre


Tout au long de ces quelques lignes, j’ai voulu vous parler des Atikamekws que j’ai côtoyé pendant trois ans. Je mettais fait, parmi eux, de très bons amis comme Guillaume, qui avait son campement de tente à côté de mon minuscule camp en bois. Également César Néwashish, un grand artiste en construction de canot. Et Jean, mon père spirituel qui m’a appris à trapper, chasser le petit gibier, observer le lynx, trouver l’ours noir, et aimer la Nature. Je leurs rends, à tous, hommage ici.
J’espère que vous avez pris plaisir à lire cette page. Faite moi part de vos commentaires.
Vous pouvez aussi découvrir ou relire la Nation des Cris.

Contact : info@frbeiger.com

Plusieurs ATIKAMEKW aiment chanter, jouer de la musique. Le festival des musiques Amérindiennes INNU NIKAMU à Uashat-Maliotenam est la grande occasion pour se faire connaître à l’extérieur.

Des artistes peintres et sculpteurs sont très fier de leurs oeuvres.