Objectif Groenland – Reykjavik

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Reykjavik

Mes expéditions se suivent mais ne se ressemblent pas et je dois dire, heureusement. Mais comme devant tout inconnu, surtout que je n’ai encore jamais mis les pieds au Groenland, pas plus que sur l’île d’Island, étape obligatoire pour se rendre sur la plus grande île au monde, et qui se nomme Kalaallit-Nunaat, je me demande très franchement ce qui m’attend.
Par contre, une chose à laquelle je semble abonné à quelques jours de mes départs, c’est le petit coup dur qui vous met le moral à ras des glaces. Avant Nunavik 99 c’était un de mes meilleurs compagnons à quatre pattes, Gisborne, qui était décédé.
Cette fois ci, mon commanditaire financier Américano-canadien vient de m’annoncer, à la dernière minute, qu’il renonçait à sa commandite (sponsors) pour ma propre expédition en elle-même. Des relents de la guerre en Irak ou d’anti-french !!! Je ne veux pas savoir !

Mais cela ne gâche en rien le voyage du groupe des jeunes handicapés et collégiennes qui vont me rejoindre à Tasiilaq à partir du 23 avril. Et ça pour moi c’est le plus beau des cadeaux. Un énorme élan de solidarité qui c’est réuni derrière tout ce projet. En particulier toute l’ADAPEI de la LOIRE ainsi que les nombreuses personnes à travers la France qui ont répondu à l’appel de la vente de la carte postale. À toutes ces personnes, c’est toute mon équipe qui les remercie. Et pour mon expédition d’après, je me fierai à la calotte glacière du Groenland !

Pour le moment je suis au matin du lundi, 14 avril, direction Roissy Charles de Gaulle pour prendre le vol Icelandair destination Reykjavik. Je sais également qu’il a deux heures de décalage en moins avec l’Island et qu’il n’existe pas d’heure d’été ni d’hiver. Ce qui pour ma part m’arrangerai bien si un jour on n’arrêtait ce petit manège qui ne sert plus à grand chose. Des économies de bout de chandelle ! On ferait mieux d’économiser ailleurs !
Cela dit, je suis chargé comme mulet ou plutôt comme un traîneau qui part en expédition avec seize chiens. Sauf que là le traîneau et les chiens c’est moi les deux à la fois. Deux énormes sacs de sport remplis à ras bord, et deux sacs avec ordinateur, appareils photos, raquettes à neige. Un vrai plaisir pour les épaules et le dos ! En plus de tout cela comble de malheur, la très belle hôtesse Islandaise qui m’annonce :

– Vingt et un kilos de surcharge, Monsieur ! Cela vous ferra 305 euros de taxes à payer !
Là, je maudis les cartes postales qui remplissent en entier l’un des deux sacs. Et puis non. Ce n’est pas juste, ce sont elles qui permettent le voyage des jeunes. J’en veux à la compagnie Icelandair qui n’a rien voulut négocier.
– Ce sont les Aéroports de Paris qui veulent cette surtaxe !! Et normalement vous n’avez droit qu’à un sac en cabine et vous en avez deux. Surenchérie-t-elle !
Alors là, je bouillonne à l’intérieur de moi et je lui réponds :
– Je ne vais quand même pas mettre mes appareils photos et mon ordinateur dans la soute à bagage !
– Je comprends, mais c’est le règlement. Vous verrez bien s’ils vous laisseront passer au portillon.
Ok, je ne réfléchirais pas plus et je tante le coup de passer. Mais pour un début en fanfare il y a mieux. Deux couloirs sans fin, un tapis roulant qui mène au satellite 7, le portillon 76, je m’approche d’un gars style rugbyman trois quart centre… il n’y a vu que du feu avec mes deux sacs. Ouf !
Je vais vous dire, j’avais attendu que son attention soit prise par la présence de deux Islandaises, blonde naturel, et hop, je me glisse en finesse dans le portillon.

Le vol en lui même sans histoire. Un plafond nuageux épais comme une soupe de pois aux lentilles c’est dire que je ne rien pus en profiter de la place côté hublot que j’avais quand même demandée. Trois après le décollage, voilà que le commandant de bord annonce, dans une langue à trancher au « ULU », le couteau des Inuit, mais je vous en donne la version française :
– Nous survolons les côtes d’Island et nous allons atterrir dans cinq minutes.
Le plafond était tellement bas, qu’à peine sorti des nuages, j’ai tout d’abord aperçu de l’eau puis quelques maisons et la piste. Bon, nous y voilà ! Je reconnais que l’aéroport est sympathique et accueillant dans son cadre.
Je fouille dans mes papiers, mon logement à Reykjavik ce situe au « Youth Hostel ». Après avoir récupéré mes nombreux bagages, je m’informe au kiosque touristique où se trouve cette auberge de la jeunesse !
– Vous prenez le bus qui se trouve devant l’aéroport il vous mène directement à l’auberge.
– Celui-ci ? En pointant du doigt le gros bus qui se trouvait effectivement de l’autre côté des portes coulissantes.
– Yes !
– C’est loin ?
– Cinquante kilomètres. Ici vous êtes à Keflavik.
– Ok.
Bon, voilà au moins une chose de bien, pas besoin d’attendre et encore moins de se traîner sur des kilomètres avec mon chargement sur les épaules et sur le dos. Là encore un gars s’avance vers moi, mais lui avait plutôt l’air d’un Viking, avec un large sourire aux lèvres il me dit :
– 1000 Couronnes ce qui veut dire 12,25 euros

Installé au fond du bus, une route droite défile sous les roues et coupe en deux un paysage de mort.
Rien ! Des roches noirâtres, des pierres verdâtres avec du lichens qui recouvrent le tout. On avance dans un désert volcanique qui a été rongé par les millénaires. L’île d’Island est vraiment née d’une éruption volcanique. J’en ai les preuves sous les yeux. Un paysage de toundra sans en avoir la beauté ni le côté mythique. Mais je suis sûr que l’Island doit aussi avoir sa beauté. C’est vrai que mon moral n’est pas au top, il me manque la présence de mes « Gamins ». Je sais très bien que je suis entouré d’une équipe formidable, avec Nathalie en tête, qui m’a soutenu pendant tout le montage de cette énorme projet qu’est Objectif Groenland, mais dans cette arrivée à Reykjavik j’ai ce sentiment de solitude, le même que j’avais vécu les premiers mois lors de mon arrivée à Clova, en 1991, au fin fond du bois de l’Abitibi.

Je reconnais que cette auberge de Jeunesse est très accueillante et en plus très propre, ce qui n’est pas négligeable. Côté branchement Internet, avant de partir j’avais pris toutes les mesures avec Wanadoo pour pouvoir profiter de leur option « Monde » avec un logiciel qu’ils appellent « Carnet téléphonique » Je configure tout cela encore en France avec l’espoir que toute cette petite technique informatique fonctionne une fois sur le terrain. Là je ne serai pas dans la même configuration que lors de mon expédition Nunavik en 1999. Mon serveur était au Canada, donc le même pays que mes transmissions. L’Island en premier, puis le Groenland d’où j’espère pouvoir envoyer quelques reportages, mais je reconnais que j’ai un soupçon d’inquiétude ! Surtout que bon nombre de personnes attendent avec impatience ces lignes accompagnées de photos numériques. Je demande à l’auberge à me brancher sur leur ligne téléphonique.
… Rien ! Impossible ! Pas les mêmes câblages. Bon début ! Subitement une pensée m’effleure :
– Mais qu’est ce que je suis venu faire ici ?
Non, pas le moment de se poser ce genre de réflexion. Ok, je plis tout, je refais mes sacs, je prépare mes affaires à mettre, parce qu’à partir de demain, c’est un autre endroit qui m’attend. Un peu plus au Nord, cela veut dire, botte Kamik, veste et pantalon Snow-Goose, la totale pour le Grand Nord. Et comme je n’ai pas envie de payer à nouveau une surtaxe de kilos, je refais la répartition de mes deux sacs.
– Je prendrai le petit, que je charge au maximum, dans la cabine. Et puis… je verrais bien !